[chef d'oeuvre culte] : "clearcut" avec graham greene (page 5)

17 mars 2008 à 20:16:22 par valerie de janeiro

Hookay,

Je n’appellerais pas ca etre hors sujet. Mais plutot: sortir de l’autoroute pour aller explorer les petites routes de campagne, et un bol d’air frais ne fait de mal a personne!

Tiens je vais continuer a tourner autour du sujet (sans l'aborder) avec 2 idees : 
1/ stereotypes du style "l'homme blanc"
2/ mode de pensee & mode de communication

(a ne pas lire si on veut entendre parler du film Clearcut)

Ma premiere annee sur la reserve, j'enseignais l'anglais a des ados Navajo. L'une des techniques au programme pour les juniors (equivalent classe de 1ere je crois en France), c'etait l'art du debat cette annee-la. On faisait ca une fois par semaine, un peu comme un jeu. On prenait un sujet qui tient a coeur, puis il s'agissait de choisir un cote, pour ou contre. C'etait une classe d'une trentaine divisee en 2 groupes pas toujours egaux. Le but etait d'exposer & soutenir son opinion en suivant un certain nombre de regles: ne pas interrompre les autres, utiliser des faits pour supporter son point de vue, ne pas hausser le ton, laisser la parole a chacun, eviter ironie & sarcasme,... bref vous voyez ce que je veux dire.

Au debut, ca n'etait pas evident! Il y a eu de sinceres eclats de sentiments opposes ou il fallait tout arreter & carrement changer d'activite. Puis je me souviens d'une etudiante un jour qui a propose: "faisons une pause, j'ai peur de me mettre en colere" puis on reprenait,... Bref, on a finalement ete capables d’entrer dans un jeu qui nous a menes dans des domaines inattendus. A ce point, on avait suffisamment confiance en soi & dans les autres, on pouvait jouer le jeu jusqu'au bout, et s'en sortir un peu plus enrichi des idees des autres, et du cheminement de leurs pensees.

Un jour, pour le sujet choisi (dont j'ai oublie le theme), tout le monde etait du meme avis, alors je me suis proposee comme l'avocat du diable. Dans le contexte du debat, un etudiant m'a dit un truc du genre: ceci est arrive parce les blancs ont pris les terres des indiens. Je lui ai dit que je n'etais pas tout a fait d'accord avec : les blancs ont pris les terres des indiens. Gros silence collectif & regards serieux: ils attendaient une explication. Je leur ai donne mon exemple: je suis arrivee ici il a peu de temps de France, ma famille entiere est la-bas, mes ancetres ne sont jamais venus ici, bref: il y a plein de blancs qui n'ont pas pris les terres des indiens. Le silence s'est prolonge, puis j'ai vu des petits sourires discrets ici et la, et nous avons continue notre debat. (eux aussi m’ont donne l’occasion de sourire ainsi avec leurs remarques de plus en plus affinees!)
C'etait juste une petite anecdote pour illustrer ma premiere idee.

Ma deuxieme idee (en reference avec le “hors-topic?"): mes etudiants Navajo et moi avons beaucoup appris les uns des autres cette annee-la (entre autres: changer de position a un moment du debat, ou bien meme en fin de compte ne plus etre ni pour ni contre quelque chose).
Voici ce que moi j'ai decouvert. Si on generalise, une conversation de type occidental est de ce style: elle va d'un point A a un point B avec une ligne (plus ou moins) droite entre les 2. Les anglo-americains lors d'une conversation disent frequemment: "what's your point?", pour ramener l'interlocuteur (qui derive) sur cette ligne droite qui mene au point B, le but de la conversation. Les europeens font un peu comme ca aussi, mais moins evident que les americains. En gros, occidental = lineaire (c’est une generalisation bien sur)

Mes etudiants Navajo m'ont appris que leur mode de pensee ne fonctionne pas comme ca. C'est plutot du style: il y a un point, on tourne autour, on s'en approche ou s'en eloigne plus ou moins, on l'effleure, on l'atteind parfois. Et ca n’est pas "plat", il y a differents niveaux de realite. C'est plutot cyclique que lineaire. C'est completement deroutant au depart, parce qu'on en n'est pas conscient. On ne comprend pas pourquoi on n'arrive pas vraiment a communiquer, ca ne marche pas bien (entre une “ligne” & une “spirale”: ou sont les points de rencontre?!). Il faut beaucoup de patience de part et d'autre. Et si j'avais essaye d'imposer mon mode de pensee & d'expression sur eux, je crois que l'experience aurait tourne en une corvee sans interet. Le compromis c'etait nos regles du jeu, puis on partait a l'aventure. Nos debats ont marche parce qu’on a appris a s’ecouter & se parler avec respect.

Je fais continuellement l'experience de cette difference dans un autre domaine: les meetings professionnels avec le personnel amerindien & anglo-americain la ou je travaille. Je n'y prete plus trop attention, mais un meeting marche sur ce plan: ca commence en general avec une blague ou 2, puis il y a un agenda avec lequel on commence, mais qu'on ne suit pas necessairement, et dans la limite du temps qu'on a, on n'a generalement pas le temps de finir. C'est drole a observer si on en est conscient: on voit des natives qui discutent tranquillement de choses et d'autres, et des anglo qui s'impatientent parce que ca n'avance pas. [je ne sais pas si Sa'n qui est un native du Canada verra ce post, mais son opinion & son experience sur ce point seraient interessants].

La litterature amerindienne est tres revelatrice de ca aussi: je pense a des auteurs comme Scott Momaday (Kiowa), Louise Erdrich (Chippewa), Luci Tapahonso (Navajo), Sherman Alexie (Spokane). Il y en a plein d'autres, je ne sais pas si leurs oeuvres sont traduites en francais alors je n'entre pas dans les details. Leur style n'est pas lineaire ou chronoloqique, comme c'est souvent le cas dans la litterature occidentale (ex: je lis en ce moment un roman policier ecrit par un brittanique, un cas extreme de linearite temporelle: chaque chapitre commence avec la date et l'heure des evenements). En general, l'esprit indien ne fonctionne pas comme ca.

Le cinema amerindien reflette ca aussi. Clearcut, peut-etre? Je ne sais, pas, je ne l'ai pas encore vu.

Moi aussi j'ai parfois tendance a "tourner autour du pot" (je crois que c'est l'expression francaise qui convient ici, “beat around the bush” en anglais) parce que ca fait partie de mon experience quotidienne. Je ne vois pas de mal a ca, c'est relaxant, on ne se sent pas confine, oblige de "stick to the point", une expression americaine qui signifie "rester colle au sujet". Ca ne veut pas dire qu'on a oublie le point de depart. Il est la, on y reviendra probablement... le web est le lieu & l'internet le vehicule ideal pour ca: il n'y a pas de limite temporelle. Les choses prendront place en leur temps.

Quant a tes propos polemiques: comment peut-on declarer respect aux cultures amerindiennes, si on ne peut a la base demontrer respect pour l'un des siens?! T'inquietes, ceux qui ont une reelle affinite avec les cultures amerindiennes liront ce que tu ecris et s'ils reagissent, le feront avec courtoisie, meme s'ils ne sont pas du meme avis.

Val

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18 mars 2008 à 10:46:38 par El Coyotos
Décidément, ce topic fait débat ....

Ce dont tu parles, valérie (la ligne droite et la spirale), est ce que j'appelle l'Indian Time.
Oui, la façon de penser n'est pas la même qu'en occident.
Dans les quelques rencontres que j'ai fait avec des natives, c'est toujours ce qui m'a frappé : La spirale.

Et justement, c'est exactement ce que j'ai ressenti en voyant Clear Cut.

L'antagonisme de la ligne droite et de la spirale.....

Je tient à rectifier le premier message ou terremere résume ainsi l'histoire :
Dans le Nord du Canada, un avocat plaidant la cause des écologistes et le gérant cynique d'une fabrique de papier sont enlevés par un mystérieux Indien. Ce dernier les force à l'accompagner à travers forêts et montagnes et les soumet à d'éprouvantes tortures mentales et physiques .

Ce que j'ai ressenti est diffèrent. L'avocat ne gère pas la défense des écologistes mais est commis d'office pour défendre les Amérindiens.

Aux yeux des Amérindiens, l'avocat défend ces derniers en étant à coté de la plaque (la fameuse ligne droite occidentale).

Il est enlevé dans le seul but de lui montrer une autre façon de voir les choses (la spirale).

Et c'est là que le film prend une autre dimention ....
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19 mars 2008 à 17:10:39 par Anonyme
A tous,

Je ne sais pas si Clearcut est facile a trouver en France, mais ici ca n'a pas ete evident. Je ne l'ai pas trouve en DVD. Je l'ai commande d'occas en VHS sur Amazon (il ne l'avaient pas en neuf). Et il n'etait pas non plus sur Ebay. Je devrais le recevoir d'ici quelques jours et je suis maintenant curieuse de le voir apres cette introduction.

(Hooka Yey: mes excuses pour l'orthographe de ton nom!!! Je viens juste de realiser)

Val
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19 mars 2008 à 20:59:48 par hooka hey
Clin d'oeil No problemo Super content Amérindien

Il serait bon...

19 juillet 2008 à 16:32:32 par clearcut
De lancer Clearcut sur emule et bitorrent.
Ce film n'est plus exploité ni exploitable.
Il n'existe plus que 24 copies VO de ce film et 5 dans des langues étrangères. Au train où vont les institutions d'archivage culturel, il y a fort à penser que le film aura disparu d'ici à 10 ans.
Il est a mon avis essentiel qu'il retrouve une place d'exemple sur le web. Les differentes lectures que l'on peut en faire, les themes abordés, le souci ecologique si important aujourd'hui aux yeux de tous en font un film necessaire.
Donc si vous possédez Clearcut en VO, essayez de le passer au format Divx et envoyez le sur les réseaux de Peer 2 peer. Il y a plei de tutoriaux sur le web qui vous expliqueront comment faire.
Je me chargerai de faire des sous-titres français. Pour le moment je n'arrive pas à me le procurer mais je souhaiterais faire un buzz sur ce film exceptionnel à mon gout.

Re [Chef d'oeuvre culte] :

05 septembre 2008 à 11:54:20 par Anonyme
bientôt sur la mule
un grand film merci de nous avoir fait partager ça terre mère et ta raison discute pas avec des discutailleurs
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Re [Chef d'oeuvre culte] :

05 septembre 2008 à 15:02:22 par El Coyotos
C'est à dire bientôt sur la mule ?
Tu compte le mettre ?
🕸 Que tes pas marchent dans la beauté. Proverbe Navajo

[Chef d'oeuvre culte] :

14 novembre 2008 à 20:12:51 par graham greene forever
Tout ce que tu dis ici est juste et je perçois la même chose en visualisant ce film
Terremère merci pour nous avoir fait partager ce chef d'oeuvre et comme tu dis espèrons qu'il ne soit déjà pas trop tard.

"clearcut " ou "terre rouge"

18 février 2009 à 23:52:39 par louma
Hola!
Ben ce film que j'ai vu sur Arte en 1998, je le cherche partout en français ou sous titré... En vain, hélàs.
Si vous avez une piste, je la suis depuis : louma@hotmail.com
Pila maya.
Merci infiniment.
Mitakuye Oyasin.
Louma
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Re [Chef d'oeuvre culte] :

19 février 2009 à 09:14:13 par El Coyotos
Malheureusement, il est introuvable !
A moins qu'une bonne âme ne le mette sur la mule .....
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